Thank you very much Kevin Costner
Inoubliable dans Les Incorruptibles (1987), Danse avec les loups (1990), Un monde parfait (1993), Open Range (2003), Kevin Costner signe avec Horizon une ambitieuse saga sur la naissance des États-Unis, une fresque western sublime.
Il fut un temps où l’Amérique ne rigolait pas avec son image de marque. Le genre cinématographique western était en première ligne pour vanter, à l’adresse du monde entier, les valeurs immaculées des Américains. Ainsi sur l’écran, les blancs (bénis de Dieu), gagnants de la Conquête de l’Ouest, étaient les bons, les rouges perdants, les mauvais. Point.
Les Indiens, quasiment exterminés par la cupidité des envahisseurs ont longtemps été présentés comme d’infâmes sauvages sanguinaires. Quand on veut tuer son chien… Ce fut spécialement le cas à partir des années 30 avec en point d’orgue les Conquérants du Nouveau Monde (1947) de Cecil B DeMille. Un mélange de poncifs et de simplifications plus ou moins racistes composaient alors le stéréotype de l’Indien à la mode d’Hollywood. Que les autochtones, à force de vaillance, parvinssent à prendre le meilleur sur leurs adversaires et la cavalerie arrivait à bride abattue, au dernier moment, pour sauver les justes. Deux concepts rassuraient les spectateurs : the last minute rescue et the happy end. De déclinaisons en variations, le western a posé un regard moins caricatural sur l’Indien. Ce faisant, l’Amérique, à défaut de reconnaitre un génocide, suggérait qu’elle avait délibérément travesti l’Histoire malséante sous les oripeaux d’une doxa trompeuse.
Les adeptes de formules simplistes, genre « fin de l’histoire », ont proclamé que le western était mort. Bullshit ! Rien n’est plus faux. Certes il a baissé en volume comme on dit chez les marchands de caleçons molletonnés par temps de canicule mais il a progressé en valeur. Il suffit pour s’en convaincre de recenser les westerns du dernier quart de siècle et notamment le fabuleux Open Range.
Le western raconte l’homme exposé à l’impératif de survivre, donc dans un contexte où ses qualités et ses défauts sont exacerbés par l’inconnu, la peur de l’autre, la violence, la faim, le froid… Donc le western filme l’homme au moment où il est le plus vrai.
Et c’est tout le propos de Kevin Costner, qui reprend l’Histoire avec un grand H de la naissance messianique de son pays, et filme, avec les progrès techniques et des financements d’aujourd’hui, la saga de l’Amérique d’hier. Koitece ? Ce n’est rien moins que la plus extraordinaire aventure humaine de tous les temps : l’exploration, la conquête, l’édification d’un Nouveau Monde.
Au mitan du dix-neuvième, à la veille de la Guerre de Sécession, des pionniers progressent vers leur « terre promise ». Dans les charriots couverts tractés par des bœufs ou des mules, ils avancent en convoi dans l’inconnu, mètre par mètre, à la vitesse d’une tortue cacochyme. Les plus en avance tirent des plans, érigent des cabanes, envisagent des installations villageoises. Sur les hauteurs, des Amérindiens les observent avec méfiance, voire avec fureur. Parfois, pour ne pas dire souvent, la peur de l’autre dégénère et ils s’entretuent. Ce n’est pas toujours facile de distinguer les bons et les méchants. Que ferions-nous, nous autres donneurs de leçons amollis par l’abondance et le confort, si une famille exogène, lestée de ses pétrins, venait à s’installer dans notre jardin ?
Les migrants n’ont pour toute richesse que leur foi dans un avenir meilleur. À la merci de mille dangers, au fil des phénomènes météorologiques paroxystiques, vulnérables comme jamais, ces misérables hugoliens évoluent sur un fil entre la fin d’un monde et le début d’un autre.
Quoi de plus passionnant que l’épopée du far west ?
En parallèle, d’autres pionniers tentent de durer, pressés qu’ils sont par des salopards plus dangereux que des rattle snakes dérangés pendant une sieste crapuleuse. Les tuniques bleues incarnent, de manière brouillonne, un état lointain et démuni. Des gars et des filles dérobent un baiser à une situation qui laisse bien peu de place et de temps aux roucoulades. Des histoires dans l’Histoire, se chevauchent, s’entrecroisent, se répondent.
J’entends des critiques se plaindre de l’ambition de Costner. Trop long, trop lent, trop bien. Quel manque de respect pour un homme qui s’est investi sans compter pour réaliser son rêve d’une somme sans égal sur l’Histoire des pionniers. Quel mépris pour ses troupes – acteurs (excellents), techniciens, spécialistes en tous genres… – engagées durant plusieurs années sur la fabrication de cette saga programmée en quatre séquences de trois heures. À défaut de recueillir les louanges des critiques, ce film comble les passionnés d’histoire, les passionnés d’Amérique, les passionnés de western. C’est comme qui dirait le Western avec un grand W. Le Western Total. Cette fresque de type grand spectacle lyrique prouve si besoin était que non seulement le western n’est pas mort mais que ce genre transcende tous les autres. Chapeau Monsieur Costner, votre panache est cyranesque.
Présenté à Cannes « hors compétition », le premier opus de la saga a été plébiscité par les festivaliers. Ils ont salué le parti pris de Kévin Costner, le réalisme. Finalement, après la valse-hésitation traditionnelle du western entre histoire et légende, Kevin Coster élargit l’horizon du genre avec le réalisme. On ne pouvait pas, au siècle dernier, montrer la réalité de la Conquête de l’Ouest (au sortir de situations extrêmes, les stars conservaient un brushing impeccable) telle que la vécurent ses protagonistes. Depuis Impitoyable de Clint Eastwood, l’heure sonne de montrer la prosaïque réalité… Les cowboys, aussi mythiques qu’on les ait dépeint, étaient des êtres rustres occupés à subsister dans des pandémoniums.
Perso, après avoir aimé les vogues classique puis crépusculaire du Western, j’aime la nouvelle versions costnérienne réaliste. Tous dans les salles obscurs pour découvrir l’hommage de Kevin Coster au Western, à l’Amérique, au Septième Art.
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