Monument Valley
Cavalcade ébouriffante avec les Navajos
Soyons clairs ! Ceux qui n’entendent rien aux Indiens Navajos, aux Tuniques Bleues, à John Ford, aux westerns, s’émerveilleront de découvrir un des plus beaux endroits de la planète. Les autres, recueillis, fervents, bouleversés feront là le pèlerinage de leur vie.
Dans les pas de Forrest Gump, j’emprunte l’extraordinaire ligne droite qui plonge dans la vallée. Cette image est dans le monde entier aussi connue que celles de la Tour Eiffel ou de Buckingham Palace. Incontournable… Grandiose… Emouvante.
Au-delà du visitor center, la route se mue en piste. Red dust ! Et sinue entre des monuments de pierre que l’imagination des hommes a appelé : la « poule », le « pouce », les « trois sœurs »… C’est précisément au pied de celles-ci, à John Ford Point, que l’Agence du Voyage à Cheval amène chaque année un groupe de cavaliers pour une chevauchée fantastique, forcément fantastique.
Séquence émotion. Quand on pense que c’est ici que John Wayne a incarné pour toujours l’Américain, courageux, résolu, obstiné, franc, loyal, aussi entreprenant avec les chevaux fougueux qu’emprunté avec les femmes honnêtes… Mettre ses pas dans ses traces, là même où il arracha la prisonnière au désert (the Searchers en 1956), file la chair de poule.
Bivouac. Au choix : hogan (habitation traditionnelle en adobe), tente igloo, belle étoile, banquette du minibus Dodge pour qui ne goûte pas les joies du camping.
À l’aube le soleil se lève… Sublime. Comme un Van Gogh inspiré, il commence à badigeonner les parois séculaires qui nous cernent : violet, rose, orange. Riche palette tout en nuances.
Nos hôtes amérindiens lui rendent grâce.
Le chasseur d’image ne sait où braquer son zoom. Deux chiens errants m’invitent à les suivre. Quelques centaines de mètres plus loin, des visions féeriques m’attendent.
Retour au camp la musette numérique chargée d’instantanés mémorables. Un rien fébrile, chacun revêt son 31 pour jouer le rôle de sa vie dans le plus grand des westerns… De la pointe des éperons au chapeau 100 X, rien ne dénote. Mon cheval – un rustaud genre Hummer taillé pour tous les terrains – me regarde avec bonhomie. J’ai l’échine en mode frissons. Monument Valley me jette à la figure ses panoramas, son atmosphère… Je suis au delà de mes rêves.
Exergue
Les mots s’épuisent à décrire la magie et la démesure somptueuse de cette œuvre de la nature.
Nos hôtes Indiens ressemblent bien peu à leur caricature hollywoodienne. Ils ne nous accueillent pas avec des colliers (de turquoises) mais avec le formalisme sourcilleux d’un prestataire de services en service minimum. Il s’agit d’un business entre « cow-boys et indiens ». Et les relations peuvent être complexes. Que les cowboys viennent d’Aubervilliers ne change rien à l’affaire.
Tout bien considéré, partager sa culture, son histoire, sa vie, ne serait-ce que quelques heures, avec des étrangers plus ou moins respectueux, rends les Indiens méfiants et distants. Nous l’ignorons encore, mais il faudra rompre la glace, prouver (que nous sommes de vrais cavaliers), rassurer, pour déboucher sur un véritable échange. C’est normal.
Sonne l’heure du départ… Comme jadis un détachement militaire de Fort Defiance, nous nous enfonçons dans le désert, escortés de deux éclaireurs navajos. Déterminés à nous imposer de progresser en file indienne (principes de sécurité), ils nous entraînent dans des passages escarpés. A chaque fois qu’il est raisonnablement possible, nous nous affranchissons des consignes dévolues aux touristes lambda. Ainsi nos compagnons voient-ils qu’ils sont en présence de cavaliers chevronnés. Dès lors, ils se détendent. Et finissent par entraîner (ceux d’entre nous qui le souhaitent) dans de folles galopades. Entre une course effrénée dans un rio asséché et la descente vertigineuse d’une dune de sable, on fabrique du souvenir au kilomètre.
Chaque cavalier, incapable de dire qui du rêve ou de la réalité a écrit le scénario de cette journée, devine qu’il chevauche dans l’exceptionnel. Une complicité finit par s’établir avec nos guides qui s’amusaient de nous voir relever les défis qu’ils nous lançaient. Nous avions gagné leur considération. Nous n’étions plus de vulgaires touristes à chaperonner pour éviter qu’ils ne se blessent.
Le soir, Navajos et Français, à force de se tester, pouvaient fumer le calumet de la paix. Aussi avons-nous eu la chance de déguster de merveilleux tacos navajos (seulement arrosés de Light Coke pour cause de décrets abstinents!). Nos nouveaux amis sont ensuite venu allumer un grand feu dans la nuit et quand tout le monde fut réuni, ils ont raconté des histoires… de cow-boys et d’indiens.
Le lendemain, la cavalerie française en redemandait… Ce type de « voyage à cheval » dans un lieu mythique donne lieu à mille et un bonheurs. Egalement est-on conduit à découvrir et comprendre des réalités insoupçonnées sur les autres comme sur soi-même. Les clichés et les mots, fussent-ils puisés dans le registre des superlatifs, peinent à restituer les émotions éprouvées.
Alors, un seul conseil… Allez y voir! Osez le bonheur à cheval.
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