Le Petit Canada chez Jean-François Pignon
Betrand Collinot (Le Petit Canada à Viam en Corrèze) a emmené ses élèves suivre un stage chez Jean-François Pignon, connu et reconnu comme artiste de spectacle équestre et acteur, mais aussi, mais surtout, comme homme de cheval. Une rencontre riche d’enseignements pour les stagiaires. Bertrand, qui place son rapport aux chevaux dans la philosophie de Jean d’Orgeix – « le plus dur en équitation c’est de ne rien faire » – , a pris la plume pour témoigner de cette expérience. Merci Bertrand.
Jean François Pignon est un artiste de spectacle équestre, acteur et dresseur de chevaux hors du commun. Et comme le dit si bien Mathilde Seigner : « Son travail avec les chevaux est magique, magnétique et superbement unique. »
Cela faisait déjà quelque temps que je voulais emmener avec moi quelques élèves chez Jean François.
Je m’inspire de sa méthode de travail des chevaux depuis plusieurs années.
Plus qu’une méthode c’est toute une philosophie d’approche, d’attitude, de comportement et de vie avec les chevaux mais aussi avec les gens.
Jean François nous montre un « épisode » avant tout le reste, bien en amont du dressage : la création d’une relation. Comment passer sur une chose aussi importante ? Comment aborder un cheval en oubliant ce premier « épisode » ?
C’est donc par un beau matin du mois de mai que notre convoi (12 personnes et 6 chevaux) s’élance pour environ 7 heures de route : direction Nîmes.
Nous arrivons le soir sans encombre chez Jean-François. Après avoir placé les chevaux dans les enclos et box prévus, nous rangeons les vans pour être tranquille le lendemain et pouvoir commencer le stage dans de bonnes conditions.
Après une bonne nuit de récupération, nous nous retrouvons tous à 9 heures pour le début du stage.
Jean-François et Sylvie Pignon nous accueillent dans leur domaine familial. Nous nous installons sur des chaises dans le jardin sous une petite pluie fine (merci J.F pour la météo !!). En cercle autour de lui, il commence à nous expliquer sa façon de voir les choses.
L’important à ses yeux c’est la liberté, la liberté pour les chevaux mais aussi pour les humains. Durant le stage, les élèves seront par binômes et pourront soit participer directement ou bien prendre du recul et regarder. Il n’y a aucune contrainte.
Ensuite il rentre dans les détails de sa méthode et de sa philosophie :
Les attitudes :
– Le calme (la moindre des choses !)
– La sérénité
– La patience
– La décontraction totale.
Nous devons imposer une dominance et une hiérarchie mais tout en travaillant dans la joie et avec justesse. C’est de cette façon que le respect se mettra en place.
Toutes ces attitudes doivent être dosées en fonction des réactions du cheval. C’est pourquoi il faut de la pratique et de la persévérance.
Lorsque l’on vient chez quelqu’un comme Jean-François on s’attend en fin de stage à savoir coucher son cheval ou le faire se cabrer sur demande. Il faudra se contenter de petites victoires et intégrer tout le langage corporel, on n’apprend pas une nouvelle langue en deux jours
Jean-François nous explique ensuite qu’il n’utilise plus la parole, cela permet de plus se concentrer sur la gestuelle et surtout de paraître moins humain et ne pas « sur jouer » les attitudes. Le cheval nous scanne en permanence, il perçoit chacune de nos émotions intérieures. La plupart du temps l’homme est un boulet pour son cheval.
Les pressions :
Lorsque l’on décide de toucher le cheval avec le stick, il faut être clair et précis dans son geste, le faire froidement et sans culpabiliser. Il faut monter les pressions par un crescendo et rendre au moindre bon mouvement. Faire ensuite une pause en se relaxant et en envoyant son énergie dans le sol : laisser respirer le cheval.
Bien penser que l’on pourra mieux résoudre les problèmes en prenant son temps. Les problèmes se résolvent simplement et dans la joie.
Après toutes ces explications nous attaquons les travaux pratiques dans la carrière.
Les couples cheval-cavalier prennent place et Jean-François commence à corriger chaque geste. Les gens apprennent doucement à faire la connexion avec leur cheval et à entrer dans leur bulle.
En fin de matinée, un début de relationnel s’installe.
Après une pause repas sous le soleil revenu ; l’après midi est consacré à la mise en pratique des gestes et des attitudes. Jean-François rentre plus dans les détails et explique chaque cas particulier. Tous les mouvements sont décortiqués.
Le soir arrive avec le moment attendu de tous : l’entraînement de Jean-François avec ses chevaux.
Il va chercher ses juments et ses poulains au champ, sans licol bien évidement et les emmène dans la carrière. Il nous dit ensuite : « Je vais chercher l’étalon ». Nous restons à attendre avec devant nous dix chevaux de tous âges (un an pour le plus jeune) bien rangés dans le calme.
Jean-François arrive avec l’entier qui se précipite sur les juments dont certaines sont en chaleur. Après une explication très claire et précise le mâle fougueux rentre sagement dans les rangs !
Et puis le temps s’arrête…, dans un silence de cathédrale, Jean-François commence une chorégraphie équestre hors du temps. Les onze chevaux en liberté tournent autour du lui, s’amusent, le dresseur et les chevaux ne font plus qu’un. L’émotion envahie les élèves lorsque tous les chevaux se couchent un a un dans la carrière et se relèvent doucement en s’asseyant comme pour nous saluer. L’émotion ressentie par tout le monde n’est pas transmissible par écrit : c’est une chose à vivre.
La soirée se termine dans un restaurant voisin où les discussions sur le cheval nous entraînent tard dans la nuit.
Le matin du 2ème jour commence par la révision des exercices de la veille et très vite des gestes plus techniques sont demandés aux élèves et aux chevaux.
Le fameux droite gauche…
Cet exercice est sans doute le plus compliqué à comprendre et à apprendre pour les néophytes. Il permet néanmoins d’avoir un cheval extrêmement concentré et réactif au moindre mouvement de son dresseur. Il est la base du travail en liberté et du jeu.
Ensuite viennent la mise en avant, le reculé et le cercle. Tout en contrôlant le respect et le calme.
Les élèves commencent à intégrer toute la gestuelle. Ils font encore beaucoup de gestes parasites, mais les progrès sont là et les sourires aussi.
Je me rappelle d’une phrase citée par Jean D’Orgeix et qui rejoint ce que nous enseigne Jean François : « Le plus dur en équitation c’est de ne rien faire ».
Nous retiendrons de ces deux jours qu’il y a quelque chose d’autre à mettre en place avec nos chevaux, quelque chose que l’on ne nous enseigne pas ailleurs mais quelque chose d’indispensable et de fondamental : la création d’une vraie relation avec un animal. Le chemin pour y arriver peut paraître long et semé d’embûches, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle.
Les élèves qui m’ont accompagné ont tous eu les mêmes réactions sur la philosophie dégagée par le stage, et le sentiment que nous sommes, dans nos comportements avec les chevaux des éléphants dans un magasin de porcelaine.
Je tiens à remercier Jean-François et Sylvie Pignon pour leur accueil.
Je tiens aussi à remercier tout mon groupe : Audrey, Catherine, Laurence, Nathalie, Mylène, Sylvie, Elisa, Frédéric, Dominique, Yann et Antonin pour leur bonne humeur et leur gentillesse. Et un dernier remerciement à nos chevaux pour leur patience !
Bertrand Collinot
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