Le Monde aurait-il changé???
D’ordinaire les marchands de journaux, et aussi les journalistes, et aussi les éditeurs et aussi l’industrie de la presse attendent des lecteurs en voie d’égaiement (sur les réseaux sociaux, les sites internet, la gratuité, l’indolence militante…). Buissonniers, beaucoup de consommateurs d’actualités ne picorent plus que des infos faciles, gratuites, rapides, amusantes…
Ce matin, à l’aube, devant les kiosques encore fermés, des files de lecteurs fébriles attendaient de pouvoir acheter un journal. Whao ! Un attentat a tué des journalistes et sauvé un journal !!! « Y’a quelque chose qui cloche là-dedans » (chantait Serge Reggiani dans la Java des Bombes Atomiques). C’est quand même une drôle d’idée d’attendre que des journalistes soient morts pour s’intéresser à eux, à leurs écrits, photos ou dessins, à la liberté d’expression. Comme si, on ne mesurait vraiment que la valeur de ce que l’on a perdu. Comme si on ne voyait que les absents. Comme si on n’aimait (enfin) que ceux qui sont partis !!! Voilà qui laisse songeur.
Beaucoup se sont pressés. Et, fors ceux qui avaient eu la précaution de réserver leur exemplaire (pas très anar cette démarche petite-bourgeoise), la plupart sont repartis bredouilles avec pour consolation que chaque nouveau jour à venir livrerait une nouvelle fournée de Charlie. Tout le monde devrait finir par être servi. Patience.
Hier les esprits de Clemenceau et de De Gaulle soufflaient sur l’Assemblée. Le Premier Ministre Valls a trouvé les mots et, comme les entrailles bouillonnantes d’un volcan soudain réveillé, la Marseillaise a jailli des gorges vibrantes de TOUS nos députés. Séquence émotion ! Bravo les élus. Z’avez fait le job… A l’américaine.
A ce spectacle peu courant, les medias en ont remis une louche dans le registre « pays fier, debout, unit, retrouvé, valeureux, etc… ». A les entendre, les Français de toutes souches sont soudés et unanimes. Ils répondent présents à l’appel de la résistance, mi graves, mi réjouis, et défilent sous les étendards des bons sentiments.
Mais pourquoi est-ce que l’on entend, déjà, de plus en plus distinctement, des voix discordantes ?
Si cinq millions de nos compatriotes ont battu le pavé, 61 millions et 300 000 sont allés à l’église ou à la chasse, au bordel ou jouer à la belote. Aussi, on peut se demander si les Français sont aussi Charlie qu’on veut nous le dire.
On ne sache pas que tout le monde ait bien compris (et accepté) qu’en France, le droit de blasphémer soit sacré.
On se sache pas que tout le monde épouse, sans réserve, la formule que l’on prête (sans doute à tort mais qu’importe) à Voltaire : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrais jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ».
Surtout, on ne sache pas, que la manif dominicale, que l’on peut qualifier – pourquoi pas ! – d’historique, ait réglé tous les problèmes des Français. Et notamment celui de la nécessité de vivre dignement des fruits de son travail. Tous les soutiers, ceux de l’information comme ceux d’autres univers professionnels, attendent toujours, la juste récompense de leur labeur.
Allez ! Les politiciens, encore un effort pour être révolutionnaires.
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