Facebook alias Big Brother
Dans le monde réel, pour célébrer un anniversaire, on souffle des bougies. Dans le monde virtuel, Facebook, qui affiche dix ans à son compteur temporel, mesure le temps qui passe avec ses chiffres : un milliard d’internautes connectés all over the world (26 millions en France) = une valeur de 150 milliards de dollars.
En effet, ce réseau social, focalisé sur les amis (ceux que l’on aime et ceux qui, d’un pouce enthousiaste, disent nous aimer), est surtout un business lucratif. Détenteurs d’un compte Facebook, vous nourrissez, volontairement (quoique inconsciemment), la « Machine » de « données personnelles » scripturales ou iconographiques (profil, habitudes, inclinations, voire perversités)… Fabuleuse matière première ! Elle les mâche, les trie, les apprécie, les digère, les commercialise, les transforme en millions de dollars dont vous ne voyez pas la verte couleur et ce, d’autant moins, qu’à l’instar des autres géants de la Net Economy qui « optimisent » leurs dettes fiscales, Facebook paye fort peu d’impôts en France (officiellement : 191 133€ en 2012 pour un chiffre d’affaires de 7,6 millions d’€). Nos confrères de BFM TV estiment pour leur part qu’au regard de son « chiffre d’affaires réel, 300 millions », Facebook a réalisé « 30 millions de bénéfices ». Dès lors, il aurait dû acquitter « 10 millions d’€ d’impôts ».
Si les multinationales aux profits pharaoniques (Facebook, Apple, Google, Microsoft, Amazon…), soit les contribuables les plus à même de nourrir le fisc (à supposer qu’il doive l’être dans les proportions actuelles), se dérobent (plus ou moins légalement), les fonctionnaires receveurs sont tentés de ponctionner ceux qui ne peuvent pas organiser la prétendue modestie de leurs revenus : vous et moi. Nous sommes donc doublement couillonnés : ils font de l’argent sur notre dos et leur habileté à tromper Bercy accroît la pression fiscale qui nous étouffe. Cette impuissance de l’Etat à recouvrer les taxes des puissants (à moins qu’il ne s’agisse d’une complaisance) est une insulte faite aux petits entrepreneurs qui bataillent pour survivre dans la tempête économique.
Alors oui ! Nous sommes heureux des services que nous proposent Amazon, Apple, Facebook, Google, Microsoft… Mais nous sommes malheureux que ce que nous prenions, soit pour des services gratuits, soit pour des prestations que nous avions réglées, nous coûtent infiniment plus cher qu’annoncé. Comment ne pas avoir l’impression de se faire dépouiller au coin du clavier par des associations de malfaiteurs très malins ?
Il y a une déccennie, dans une chambre du campus d’Harvard, Marc Zuckerberg met en ligne, à l’attention de ses condisciples, un embryon de réseau social inspiré du trombinoscope. La légende allègue qu’il avait pour mobile premier l’idée de draguer les copines grâce au piratage de la base de données de son université. Quatre mois plus tard, cette blague de potache a mué. Via un nouveau site, Mark Zuckerberg propose à la population estudiantine américaine un annuaire universel utile (pour travailler) et agréable (pour s’amuser). Dans cette optique, Facebook naît le 4 février 2004 ! A la vitesse d’une traînée de poudre, il embarque sur sa vogue des milliers d’étudiants. Fin 2004, par de prompts renforts, ils sont 1 million devant les ports périphériques. Il y a du génie dans cette simplicité. Quatre ans plus tard, la version française de ce phénomène planétaire déboule au pays de Molière. Facebook est bel et bien une manifestation de la mondialisation et du néolibéralisme galopant, doux aux forts, durs aux faibles.
En filigrane, les plus critiques pointent les dangers de Facebook. Indépendamment des délits réprimés par les lois, Facebook possède, trompe, abuse Madame et Monsieur Toulemonde. Certains en arrivent à ne pouvoir plus trouver d’équilibre sans le shoot quotidien de « likes ». A cette fin, ils sont prêts à tout…dévoiler. Dès lors, fini la ringarde distinction entre vie publique et vie privée. Fini la désuète différentiation entre vrais et faux amis. Fini l’authentique précieux et le factice cheap. Fini le bien et le mal. Finie la hiérarchie des valeurs. Tout vaut tout et réciproquement ! Bonjour facilité et médiocrité.
Le plus jeune milliardaire du monde fête ses trente ans cette année. En dix ans, il a eu l’idée du siècle (lequel est encore jeune), débarqué ses associés initiaux, affronté les internautes les plus critiques, convaincu les annonceurs de le suivre, trébuché une fois ou deux (introduction en bourse), reconsidéré son approche initialement négligente du business, de ses codes et exigences, réalisé les aggiornamentos nécessaires (l’affaire des mobiles), subit la désaffection de gamins volages, réagit en achetant des concepts ou des « applis » up to date plébiscités par les plus jeunes (Instagram par exemple). Nom d’un mulot ! Il a eu le sang-froid et la baraka d’un briscard du business pour rester vivant dans une jungle peuplée de chimères et de coupeurs de tête.
Aujourd’hui, Marck Zuckerberg s’est fixé un objectif : capter un milliard de nouveaux membres, notamment dans les pays dits émergents. Et pourquoi pas quatre et quelques de plus ? Facebook c’est plus fort que moi, c’est plus fort que toi, c’est plus fort que nous tous, c’est le Big Brother du Monde… virtuel.
Laissez un commentaire