Et maintenant…
Un vent de folie souffle sur le monde… Flash back…
Lundi 5 janvier > France. Ciel bas. Ventres gras. Fin de la trêve des confiseurs. D’un pas lourd, le Français renouent avec métro, boulot, dodo. Déprime hivernale.
Mardi 6 janvier > Est-ce une crise, une rupture, une métamorphose, un tunnel ??? Qui sait ? La mondialisation balaie tous les repères… Pulvérise le connu. Et nous engage dans l’inconnu. L’inquiétude gagne. La classe moyenne (autant dire tout le monde à l’exception des 10% d’exclus et des 10% d’inclus) se sent laminée. Combien de nos compatriotes perdent un quart de leur pouvoir d’achat depuis que l’on nous a imposé, contre la volonté populaire, l’euro et le néolibéralisme? Notre identité culturelle, nos balises intimes, sont aussi menacées par une religion exogène intolérante et prosélytique, théocratique et totalitaire qui ourdit l’islamisation de la société. Les élites, les politiciens spécifiquement, sont décrédibilisés. Au fil de l’actualité, ces donneurs de leçons rivalisent d’impuissance, d’incompétence, de complaisance, de pusillanimité. Et même de malhonnêteté. Cependant, leur bulletin de notes se révèle contrasté. Chômage et économie : zéro pointé. Guerre et diplomatie : 10/20. On n’a pas les moyens de chausser et vêtir les bidasses correctement mais on les envoie volontiers guerroyer dans les guêpiers afghans, maliens etc… Aux frais du contribuable rincé. Est-il risible ce coq gaulois qui se déplume à vue d’œil mais continue de bomber le torse, de pérorer, de chanter les pieds dans la merde tout pendant que Monsieur Toulemonde dégénère, décline, décrépit et sombre dans le désespoir. Une fois au fond du trou, il envisage, sans conviction, de donner sa voix à la Marine !!! Elle ne fera certainement pas mieux mais elle brisera l’alternance automatique donc infernale des tartuffes de gauche et des nombrilistes de droite. Gauche et droite ont en commun l’aveuglement du politiquement correct qui brise toute velléité de réaction aux injustices et scandales de l’époque qui pénalisent, non pas des symboles, mais des familles. Bref, on va dans le mur. Cependant, on fait comme si, on échange des vœux, on mange des galettes, on bosse.
Mercredi 7 janvier > Deux illuminés échappés de l’obscurantisme religieux le plus méprisable tirent sur Charlie. En quelques secondes ils foudroient l’essentiel (ce qui nous restait) : le rire, l’intelligence, la pensée, la générosité, Voltaire et son héritage d’irrévérence. Douze morts. Une poignée de survivants hagards. Et, dixit avec justesse un anonyme twitant, « 65 millions de blessés ». Et le monde entier soudain concerné, bouleversé, solidaire.
La globalisation associée au progrès technique donne à la cavale diabolique de deux monstres une onde de choc planétaire.
Jeudi 8 janvier > Jour de deuil national. Et la France, ce pays qui, la veille encore, se méfiait de son drapeau, de son hymne, de son identité, de sa langue, de son glorieux passé, descend dans la rue comme un seul homme, entonne la Marseillaise, retrouve sa fierté, s’enivre de ses racines communes… On est tous des Charlie ! Pourquoi a-t-il fallu un tel massacre pour que l’on éprouve les mêmes émotions que celles que les Américains éprouvent avant chaque rencontre sportive : la fierté nationale ?
Vendredi 9 janvier > C’est Hollywood sur Seine. Nos supers héros (RAID & GIGN) traquent les terroristes. Un troisième larron ajoute à la confusion. Et voilà que l’on ne sait plus où donner de la tête : Dammartin en Goele ou Vincennes. Et cependant, dans les chaumières, dans les bureaux, au café du commerce et sur les réseaux sociaux, chacun y va de son émotion. Pour ma part, je ne souhaitais pas particulièrement en parler à tous mes interlocuteurs téléphoniques. Mais chacun d’eux, une fois que nous eussions réglé les affaires courantes, a pris l’initiative d’introduire le « sujet » du moment dans la conversation. Et là, surprise ! J’imaginais que, stupéfait, chacun se rangeait à l’invite présidentielle : l’unité de la Nation. Que nenni ! Les morts ne sont pas encore enterrés que mes Amis se montrent forts critiques quant aux tenants et aboutissants d’un fait que l’on ne saurait qualifier de divers. Le premier nuance et dénonce les excès des caricaturistes de Charlie Hebdo. Le second souligne les difficultés de la population musulmane à respecter les lois de la République et à rester à sa place. Le troisième exprime un fort ressentiment contre les tueurs qu’il faut « zigouiller sans pitié ». Le quatrième déplore que les journalistes orchestrent un tel barouf par esprit de corporatisme. Une cinquième, à l’inverse, m’indique que ses amis musulmans craignent pour leur tranquillité. Diantre, la France est toujours plurielle et prompte à opinions brandir !
En somme, il n’y a que les télévisions qui, des heures durant lors d’émissions spéciales, nous donnent à penser que la France est unanime et unie dans l’horreur et sa douleur. Unie ? Enfin presque ! On a entendu des personnalités socialistes distribuer des cartons d’invitation (pour la manif) aux uns, en refuser aux autres. Voilà encore une boulette qui se paiera cash dans de prochaines urnes.
Les Français retrouvent bien vite leurs querelles.
Samedi 10 janvier > Néanmoins, pour l’heure, tout le monde pense à la grande manifestation dominicale annoncée à grands renforts d’envolées emphatiques qui sera, sans doute il est vrai, un fait historique majeur. Nous verrons le Monde entier, main dans la main, debout, résolu voire farouche, sans peur, faire face à la barbarie. Voilà qui est rassurant. Juste. Et émouvant.
Dans les jours qui suivront, la tension redescendra. Mercredi prochain, tout le monde ira chercher son exemplaire de Charlie au kiosque. Et la boucle sera bouclée. Fin de la semaine fantastique au grand bazar hexagonal avec promotion sur les libertés. La bourse reprendra ses humeurs. La taxe Tobin sera encore repoussée aux calendes grecques. Les indigents feront la queue aux restaurants du cœur. Notre boîte mail sera colonisée par moult spams de mercantis indésirables. Et chaque citoyen, rassuré quant à la défense de la grande Liberté « chérie » verra de nouveau ses petites libertés quotidiennes se réduire comme peau de chagrin par les tracasseries paperassières d’une administration au service de politiques banalement liberticides. Tout redeviendra normal comme le Président qui, au passage, sera remonté dans les sondages. Reste que les oiseaux de mauvaise augure ont prévenu : « ce n’est pas fini ». Et maintenant…
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