Black&White ou la mémoire musicale du Sud
Le CD « Black&White » (chez Dixiefrog) propose une compilation de 24 titres recueillis sur le vif par Art Rosenbaum. Cet universitaire s’est fait la mémoire sonore des musiciens amateurs du Sud – blancs comme noirs – dont les influences croisées ont tissé les bases de la musique américaine. Cet album a lieu de fédérer à la fois historiens, musiciens et auditeurs juste pour le plaisir.
Ex-professeur d’art de l’Université de Georgie, à présent retraité, joueur de banjo et de violon, peintre, dessinateur, auteur de plusieurs livres, Arthur Spark Rosenbaum (né en 1938) ajoute à sa liste de talents celui de spécialiste des musiques traditionnelles US. Pendant un demi-siècle, l’oreille en permanence aux aguets, il a su dénicher dans le Sud profond des musiciens amateurs héritiers d’influences variées.
Avec une maîtrise encyclopédique du sujet, il a analysé et décrypté les métissages qui ont fructifié dans ce melting pot musical ignorant des barrières raciales. Inlassablement, il a enregistré ces témoignages faisant œuvre de véritable historien de ce patrimoine. De ces trésors captés sur des centaines d’heures, Art Rosenbaum a extrait la matière de deux compilations intitulées « The Art of Field Recording : 50 Years of Traditionnel American Music » comprenant aussi photos, dessins et biographies d’artistes pour la plupart peu connus. Ce travail remarquable a obtenu en 2008, le Grammy Award du meilleur enregistrement historique. « Black&White », le CD Dixiefrog fédère 24 plages extraites de cette « thèse » musicale…
« Cette sélection a vocation à mettre en relief le double héritage africain et européen des musiques traditionnelles américaines », explique Art Rosenbaum. Et de rappeler que « le banjo, instrument d’origine africaine a été adopté par les musiciens blancs depuis le début du 19ème siècle et que la guitare – européenne – est devenu emblématique de la musique afro-américaine (ragtime, blues gospel, jazz). Le musicologue Alan Lomax avait déjà remarqué que le violon, importé d’Europe, était l’instrument de prédilection des esclaves des plantations qui interprétaient des quadrilles lorsque leurs maîtres donnaient un bal. (…) Les minstrel shows du 19ème siècle ont joué un rôle crucial dans ce processus d’interpénétration. A leur arrivée dans des ports tels que la Nouvelle-Orléans ou Savannah, les ouvriers noirs du chemin de fer changeaient de vocation en devenant dockers, une mutation qui contribuait à familiariser les marins irlandais et yankees avec les minstrel songs, les airs de banjo et les chants de travail. Cette tradition d’échange a perduré au 20ème siècle lorsque la musique folk des communautés blanches des Appalaches s’est enrichie au contact des Noirs. (…) La profusion des 78-tours dans les années 1920 et 1930 met en lumière cette fraternité musicale. »
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