EQUIBLUES 2007
Equiblues… Un cocktail généreux imaginé par Philippe Lafont : une dose d’équitation western, allongée d’une rasade épicée de Rodéo authentique, avec en prime de bonnes mesures de country music et… Inutile de secouer, servez, buvez sans modération. Hummm ! It’s great !
Les fêtards ronflent, les éboueurs s’activent. L’aurore hésite. De part et d’autre d’un immense chapiteau, des milliers de femmes, d’hommes, d’enfants dorment. Qui dans un camping-car, qui dans un trailer, qui dans sa voiture, qui dans un tipi, qui dans une tente… Vous savez, ces igloos si faciles à déplier, si complexes à replier.
La veille, pour le trentième anniversaire de la disparition d’Elvis Presley, tout le monde s’est retrouvé, pour une fois unanime, afin de rendre un vibrant et nostalgique hommage au King. C’est le Portugais Humberto Ribeiro alias Ricky Norton qui officiait en qualité de grand prêtre. Emouvant, forcément émouvant. Les notes du géant de Memphis, à jamais, accompagnent nos rêveries américaines. La route, le désert, la décapotable et… « Don’t be cruel… ».
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Engourdis, la tronche en biais, parfois traversée par quelques troupeaux de bisons furieux, les plus matinaux se lèvent, s’étirent, se frottent les yeux. La rosée perle dans l’herbe. Un air frisquet vous saisit. Il est urgent de boire un café. Mais d’abord, le cowboy digne de ce nom nourrit les chevaux et les chiens. Foin, granulés, pâtées… Commencent ensuite à vrombir, medio voce, les V8 des pick up Dodge ou les ronronnements à quatre temps des Harley-Davidson. Brrrrooooo….Bop ! Bop ! Bop ! Douce et câline mélodie.
Et tous de bientôt se retrouver dans la main street de Saint-Agreve, dans les bistrots, aux terrasses. Sturgis, Cheyenne, Nashville ? La petite ville ardéchoise semble soudain jumelle de ces cités mythiques. Les autochtones, habitués à cet exotique ballet aoûtien, s’amusent à identifier les différentes tribus : les cavaliers chaussés de bottes à éperons, les motards de bottes sans éperons, les touristes…en sandales ou pataugas.
Manu Rémy héros homérique des finales de barrel racing
L’humidité estivale a perturbé, le vendredi 17 août, le déroulement des phases qualificatives des deux compétitions de barrel racing (NBHA et Equiblues). Les premiers barreleurs sortaient de la carrière avec une grimace ou un soupir de soulagement… « C’est une vraie patinoire », confiaient les plus prolixes tout heureux d’avoir échappé à la gamelle. Une chute, alarmante, a conduit les organisateurs à reporter les épreuves, principe de précaution oblige.
Le lendemain samedi, le premier et le second go se sont confondus en fin de journée. Les derniers des soixante-dix concurrents ont terminé « en nocturne ». N’importe, l’envie de donner le meilleur transpirait. On voyait les progrès engrangés par les uns, la volonté de se surpasser des autres. Julie Jolliot, Sylvie Stevens, Bernard Asham, Armand Amsellem, Jean-François Saillet, confirmaient leurs formes et se montraient avides d’en découdre. Egalement voyait-on les jeunes pousses conforter les espoirs d’une relève prometteuse : les Clémence Baudin, les Fabien Guillard, les Alexis Socquet, les Thibaut Montagne. Les valeurs sûres pour leur part, Sophie Elinguel et Manuel Rémy, rêvaient, à voix de plus en plus haute, de damer le pion à l’Américaine, à la professionnelle, à la grande championne – Shannon Kerr – qui, en début de semaine, avait animé un clinic de barrel racing sur le site. Dans leur entourage, on se prenait à rêver d’un exploit.
Nul doute que la nuit qui précéda la finale fut agitée. Chacun dans son for intérieur naviguait entre rêve de victoire et cauchemar de défaite.
Enfin, au cœur du dimanche, les finales de barrel racing ont pu se dérouler dans les meilleures conditions : bonne météo, sol idéal, plateau de choix, public nombreux et chauffé à blanc par le fringant speaker Mike Sandios…
Dans la finale « Equiblues », Sophie Elinguel avec One Twist Bar boucle le parcours en 16.207 s. Shannon Kerr accélère : 16.092 avec un premier cheval Euros in Cash, 16.151 avec le second, Lenas Asha. Dans les gradins, on se dit que la barre est haute. Et quand Manuel Rémy s’élance on retient son souffle. Il déboule à donf… S’enroule parfaitement sur le premier bidon, contourne le second au plus près. On se prend à y croire. Et si… Pas besoin de consulter le chrono. On sent qu’il est dans les temps. Non, on en est sûr. Déjà, il est sur le troisième. Holly le négocie comme la championne qu’elle est et donne un incroyable coup de rein pour repartir comme si cent mille diables la poursuivaient… 15,727 s. Best Time. Whao !!! J’explose de joie. L’émotion me submerge.
A peine le temps de se reprendre que déjà, la finale NBHA (National Barrel Horse Association) commence. De nouveau, Sophie ouvre les hostilités : 16.394. Shannon élève le débat : 15.787 avec Farewater Euro. On se dit que cette fois, elle a rétabli la hiérarchie habituelle (les pros devant les amateurs). Avec son second cheval, Lenas Asha, elle reste sur le seuil des seize secondes : 16.138 s. Mais Manu ignore que c’est impossible de faire mieux. Il n’a qu’une idée en tête : aller plus vite que tout le monde. Sans barguigner davantage, il fonce. Frôle le premier bidon, effleure le second, caresse le troisième. Et galope, galope, galope. Triple galope, quoi ! Vers une incroyable victoire. Il franchit la ligne en 15.716 s. Nom d’une pipe. Il a décidé de nous achever. A grands coups redoublés de bonheurs insoutenables. Manu, t’es trop fort. Manu, on t’aime. Manu ! Merci.
Un champion qui gagne c’est toujours émouvant. Ce l’est encore plus quand on a été, de loin en loin, le témoin de l’évolution de la complicité entre un cavalier et sa jument. Quand on a vu, nonobstant les succès et les échecs, et le doute que l’on imagine l’empoisonner (sans doute à tort), la volonté triompher de tous ces freins.
Faut-il préciser que Shannon a félicité Manu ? C’est comme ça dans la cour des grands… On s’affronte, mais on se respecte. On donne tout pour la gagne, mais on apprécie la belle victoire d’un concurrent. Et on l’applaudit.
Cet été 2007, à Saint-Agreve, on a vu 70 barreleurs rivaliser dans le meilleur des esprits. On a vu des grands champions se tirer la bourre et offrir à un public conquis un magnifique sport-spectacle américain doté de 5 000 euros de primes. On a vu de jeunes cavaliers et de jeunes chevaux pleins d’avenir. On a vu une grande fête du barrel racing, la plus grande jamais vue en France. Vive le barrel racing.
Juste un regret ! La tendance, pour séduire les plus jeunes, à remplacer nos vieux standards country par des musiques modernes, rythmées, sans doute agréables mais qui détonent pour accompagner un run de barrel racing.
Huit secondes pour se couvrir de gloire ou… de poussière.
Les deux disciplines les plus connues du rodéo – le bareback bronc riding (huit secondes sur un bronco mal embouché) et le bull riding (idem sur un taureau) – commencent à être connues en France. Plusieurs années de démonstrations spectaculaires ont permis d’initier et de multiplier les fans.
Ici aux Equiblues, les rodéo riders ne viennent pas en exhibition pour amuser la galerie avec des montures à bout de souffle. Ici, ils viennent du monde entier (Etats-Unis, Brésil, Canada, Italie…) pour se disputer des dollars et améliorer leur classement. Ils débarquent, heureux de constater que les infrastructures, calquées sur celles des grands rodéos américains, leur offrent de bonnes conditions de travail. Ces gars-là, comme les matadors, savent ce qu’ils doivent à la prévoyance. Ils sont d’autant plus casse-cou dans l’arène qu’ils ont pu, dans l’intimité des coulisses, satisfaire aux règles de sécurité. On les surprend, concentrés, occupés à préparer les cordes, les gants, les protections. De la qualité de leur « grip » dépendra leur prestation. Chaque geste est calme, précis, efficace. Des professionnels.
Le rodéo de Saint-Agreve débute invariablement par une « parade géante ». Tous les cavaliers de toutes les disciplines pénètrent sur la grande carrière à la suite d’un ballet de cavalières arborant les étendards américains et italiens. Une fois que ces centaines de cavaliers se sont rangés face aux gradins, on joue les hymnes nationaux. Tout le public est debout, tête nue, le chapeau et la main sur le cœur, digne, respectueux. Puis, le Canadien Tim Edge qui anime le rodéo en binome avec Mike Sandios récite la prière du cow-boy*.
La propension des Américains à invoquer Dieu en toutes circonstances étonne les affranchis des choses religieuses que nous sommes en grand nombre. Mais n’en déplaise à quelques grincheux, nous devons respecter leur sensibilité.
Une fois ces préliminaires assurés, les choses sérieuses commencent. Les taureaux, lourds mais puissants envoient valdinguer les rodeo men grâce à une étonnante faculté de se tordre, la tête à hue, la croupe à dia. Avec les chevaux, c’est encore plus spectaculaire. Ils ont une phénoménale capacité à bondir, rebondir, sauter, ressauter, ruer, culbuter, renverser, éjecter. Sur leur dos, l’homme, secoué, ballotté, harcelé, chahuté, malmené doit connaître des sensations identiques à celles d’un frêle esquif dans les bras de Kathrina. On lit sur les visages le drame qui se joue. Il y a des « oh », mimiques d’admiration, des « ah », moues de déception et des « aye », grimaces de douleur au moment où le garçon pantelant mord la poussière. Dans les arènes d’aujourd’hui comme dans les cirques de jadis, le peuple attribue la gloire aux winners qui gagent et l’opprobre aux loosers qui échouent. Le rodeo reflète la vie. Il y faut du courage et de la rage pour réussir. Du savoir-faire aussi. De la chance enfin. Et c’est pour cela qu’il nous passionne tant. C’est toute l’histoire de nos rêves de vie réussie que reproduisent ces gars intrépides. Bravo et merci à eux.
Ça a la couleur de l’Amérique, le goût de l’Amérique… mais ce n’est pas l’Amérique. Pourtant, ça y ressemble tant que c’est peut-être mieux…
Phil Western Roping Cup… la boucle est bouclée.
Les disciplines de rodéo à base de lasso trouvent en France une terre d’accueil favorable. Notre pays a un champion – William Coulomb -, une nouvelle association ambitieuse – la NRA (National Roping Association of France) -, un site exceptionnel où pratiquer – Saint-Agrève – et une compétition emblématique : la Phil Western Roping Cup.
Pour travailler le bétail à cheval, le lasso (rope pour nos Amis américains) s’est vite révélé un outil indispensable. Encore aujourd’hui dans les ranchs pour attraper les bovins lors des journées de marquage ou de convoyage. On sait que les cow-boys ont aussi imaginé, développé, codifié des jeux et des disciplines sportives inspirés de leur labeur quotidien. Parmi ceux-ci le team roping, le calf roping, le steer roping…
Pour la troisième année consécutive, la Phil Western Roping Cup (co-organisée par Philippe Lafont et Phil Western) s’est déroulée pendant les Equiblues. 33 engagés ont rivalisé d’adresse en break away et 43 équipes en team roping. Lukas Hogues, un sympathique cow-boy originaire du Nouveau-Mexique s’est imposé dans des deux disciplines, en 3,69s en break away, (associé à Ernest Rongal) en team roping.
5 000 euros, une selle, des boucles sont autant de présents qui ont récompensé les plus adroits.
En amont, les membres de la NRA ont profité des installations de Saint-Agreve pour s’entraîner d’arrache pied. Pour Philippe Meyer, Responsable de la communication de la NRA, « la Phil Western Roping Cup aux Equiblues 2007 a permis de donner à un public nombreux et enthousiaste une bonne image du roping. Les Français qui y ont participé ont pu enrichir leur expérience en se confrontant aux concurrents américains et italiens venus en nombre ». Gageons qu’il y aura de plus en plus de Français pour leur disputer les trophées.
Le roping, très populaire aux Etats Unis, est une épreuve phare du rodéo. On en décline plusieurs expressions. La Phil Western Roping Cup en retient deux…
> Le team roping : deux cavaliers sont associés dans cet exercice. Le « header » ceint les cornes du bouvillon de son lasso et tend la corde. Le « heeler » capture les postérieurs du veau. Une fois les deux chevaux face à face et reliés à l’animal par les lassos tendus, le chronomètre s’interrompt.
> Le breakaway roping : un cavalier au galop lance la boucle de son lasso sur la tête du veau. Une fois son cou dans la boucle, il fixe l’extrémité du rope sur la corne de sa selle. Le veau, pris dans la boucle, poursuit sa course et se libère. Le juge constate que le but est atteint.
COUNTRY MUSIC
Les Texans sont-là.
Cette année, notre ami Philippe Lafont qui s’y entend comme personne pour composer une affiche sensationnelle est allé « faire son marché » au Texas.
Le vendredi, c’est Lionel Wendling, un spécialiste connu et reconnu de la pedal steel guitar qui donnait au début de soirée un tempo résolument western swing.
Granger Smith lui succédait. Texan pur jus, il a égrainé avec élégance des balades où tradition et modernité nourrissent une expression personnelle empreinte d’authenticité. On aimerait bien écouter son dernier album : « Livin’ Like A Lonestar ». Un peu plus tard, le public, fidèle, ouvert, gourmand de découvertes lafonniennes a apprécié une blonde texane Sunny Sweeny. On chuchote que cette « douce coqueluche d’Austin aime à hanter les honky-tonks où la bière coule à flots pour effacer les larmes d’amour ».
Lors même que le samedi soir, Pat Waters montait sur scène, nous étions encore – retard inhérent à cette étrange météo 2007 – en train de couvrir « en nocturne » les séances éliminatoires des compétitions de barrel racing. Dommage car quelques intonations perçues de loin en loin nous laissaient à penser qu’elles méritent une oreille plus attentive. Le temps de se sustenter, nous arrivions back stage en même temps que Doug Moreland. Un autre Texan pur sang farceur et bon vivant. A ses heures perdues, il sculpte des troncs d’arbre avec une tronçonneuse (« chainsaw art »). C’est du lourd !!! Côté musique également.
Mais le meilleur comme souvent arrivait avec la fin. C’est notre excellent confrère, Alain Sanders (fondateur de Country Music Attitude) qui est monté sur scène pour souligner les qualités du dernier artiste au programme : Gary P. Nunn. Ses compatriotes disent de lui qu’il est « la mule qui tire le chariot de la Texas Music ». Ne vous y trompez pas, dans un pays qui connaît les qualités des mules c’est un compliment.
Les miens de compliment, ma gratitude, vont à Philippe Lafont. Après Joni Harms, et Asleep at the wheel, il m’a offert cette année une nouveau bonheur pour ma discothèque… J’écoute en boucle « What I like about Texas » un CD de type greatest hits.
Equiblues 2007… C’était l’Amérique à portée de cheval.
Engouement pour les disciplines de travail du bétail.
Pendant ce temps, les fondus de travail du bétail sont déjà en selle. Ils font leurs gammes. Arpentent la carrière. Echauffent leurs montures. Peaufinent de subtils réglages. Les barreleurs sont encore attablés devant un énième café que, trois par trois, les spécialistes du team penning, s’emploient déjà à conduire des vaches dans des « penn ». C’est l’heure du team penning. Cette discipline emblématique est désormais en France celle qui réunit le plus grand nombre de pratiquants. Telle est la réussite de l’AFET (Association Française d’équitation de Travail) fondée par Laurent Balembois.
Désormais dirigée par Lauris Angelini, elle est surtout riche de nombreux jeunes passionnés. Il faut les voir, aux environs des dix ans, rivés à leur cheval, courir, crier, canaliser les vaches avec ardeur. Des dizaines et des dizaines d’équipes se succèdent. Quelques unes parviennent à loger trois vaches entre les barrières en moins de temps qu’il n’en faut pour en griller une. Une cigarette pas une vache ! Pour sûr, cette discipline conjugue désormais quantité (de cavaliers) et qualité (de leur technique). Egalement, et nous sommes heureux de le préciser, une atmosphère conviviale paraît tous les unir qu’ils s’inspirent des cow-boys ou des gardians camarguais.