Hier, jour historique, c’est un rêve Français qui a battu le pavé. Des millions de voix ont crié leur peine (pour les membres de leur Famille assassinée), leur colère (contre les affreux à la « mauvaise foi »), leur sympathie (pour les flics qui assurent), leur exigence (de Liberté), leur envie (d’appartenir à une nation chaleureuse), leur besoin (de se réconforter).  Mais aussi, mais surtout, ils ont exprimé, le désir – un peu naïf comme le dessin d’un enfant – que les femmes et les hommes, ordinairement situés à droite ou à gauche et même ailleurs, doivent contenir leurs intérêts particuliers pour travailler ENSEMBLE à l’intérêt général. Il y avait dans les têtes un fantasme d’union nationale pour faire front à l’obscurantisme tueur mais aussi, en filigrane, pour donner à chacun plus de liberté… économique.

Je me souviens d’avoir été étonné, en Russie, en 1991, d’entendre les Russes, fraîchement libérés du joug communiste, dire : « c’était mieux avant ». A les entendre avec attention, ils nous disaient que la Liberté ne se mange pas en salade. A quoi bon être libre si les assiettes des enfants restent vides.  Eh bien aujourd’hui, c’est pareil ! Vive la Liberté et la Fraternité. On attend maintenant, non pas l’Egalité, mais juste des entrepreneurs encouragés et des emplois correctement rémunérés. Aussi longtemps que les inclus vampiriseront les exclus, le désespoir et ses dérives conserveront pignon sur Monde.

Quand Athées, Bouddhistes, Catholiques, Juifs, Musulmans (par ordre alphabétique) marchent au coude à coude en bonne compagnie des grands de ce Monde, les médias gardent l’antenne et donnent à penser qu’enfin nous ne connaîtrons plus jamais « ça ». Que les valeurs humanistes aient triomphé. Soit ! Mais on aurait tort d’oublier que des milliers de gamins (sans repères moraux et/ou légaux) dans les banlieues ne sont pas du tout «Charlie ». Leurs « guides » manipulateurs, leurs camarades de jeux et Internet (certains sites infâmes et nocifs) qui, tous, ignorent l’esprit des Lumières, piétinent les lois démocratiques, abhorrent les caricatures, nourrissent, pour le moins, un ressentiment à l’encontre des « mécréants » qui ont appelé au labeur leurs parents (ou grands parents), entretiennent des empathies avec les appels à la guerre sainte ou au choc des civilisations, donc ne sont pas du tout Charlie. Ils sont intolérants et par là même, dangereux. Et c’est bien là le problème.

Les beaux esprits peuvent bien se réjouir qu’hier le déclinisme (fondé sur la critique de nos dysfonctionnements) a fait relâche pour s’incliner devant un pays, soudain sublimé (purgé de ses faiblesses par la magie d’une réaction républicaine) et dont les valeurs rayonnent sur l’Univers. Nous verrons, dans les jours qui viennent, si comme l’attend la rue, les politiques seront à la hauteur du peuple… Voilà qui serait réellement historique.