Amérique : après la légende, l’histoire
Nous avons aimé la Légende de l’Amérique. Découvrons maintenant l’Histoire.
Les enfants des Trente Glorieuses et autres boomers ont grandi, imprégnés de culture populaire américaine. Ils ont naturellement adopté l’historiographie officielle des États-Unis. À savoir que des Européens, à l’étroit sur le Vieux Continent, ont endossé des panoplies d’aventuriers, ont pris la mer, ont débarqué sur les rives d’une terre inconnue, ont donné à la Liberté un Nouveau Monde.
Au-delà du mythe du cowboy
Buffalo Bill d’abord, Hollywood ensuite, ont créé un mythe universel, le cowboy, ce centaure sans peur ni reproche, qui a su affronter les éléments et les sauvages pour développer la civilisation occidentale (et l’American Way of Life). Comme des millions d’enfants de par le monde, j’ai aimé cette odyssée héroïque et manichéenne.
Aimer n’empêche pas de passer la vérité et son double, la légende, au crible de l’histoire. Une fois qu’elle a été délestée de ses charges politiciennes, de ses vérités officielles qui immunisent contre les culpabilités, on commence à distinguer les faits… Quelques exemples…
Ils étaient 60 millions d’Amérindiens
Christophe Colomb, le découvreur, criminel et esclavagiste, fut l’homme qui ouvrit la voie sanglante de la colonisation de l’Amérique. Avec les virus, la cupidité, les armes à feu et les chevaux, les conquistadors ont donné la mort à des millions d’innocents. En un siècle (le seizième) l’arrivée des Européens a décimé 90% des 60 millions d’habitants. Le plus souvent, les autochtones, non immunisés contre les microbes et autres germes pathogènes des envahisseurs, sont morts de maladie. Et je ne parle pas des guerres indiennes et des nombreuses trahisons qui les ont jalonnées. Crime contre l’humanité ?
Ensuite les colons ont fait venir d’Afrique une dizaine de millions d’esclaves pour travailler gracieusement. Exploitation, racisme, apartheid… Crime contre l’humanité ?
Enfin, le développement économique s’est bien sûr édifié sur l’exploitation des faibles par les forts. Violence sociale, discriminations, misère… Crimes contre l’humanité ? Chacun est libre de ses opinions.
La grille de lecture de l’historienne
C’est toujours intéressant de lire les travaux des historiens pour se forger la sienne. Soazig Villerbu, professeure agrégée d’histoire contemporaine à l’université de Limoges (87), arpente depuis trente ans les pistes de l’Ouest américain pour traquer les faits tels qu’ils se sont déroulés. Dans ce nouvel ouvrage, elle passe en revue la geste pionnière et ses archétypes, revisite les musts (commerce des fourrures, ruée vers l’or, questions indiennes, guerre de sécession), invite à réfléchir…
Longtemps, dans l’West, quand la légende (plus belle que les faits) dépassait la réalité, on publiait la légende… Aujourd’hui, on découvre le revers de la médaille.
Nouvelle histoire de l’Ouest (Canada, États-Unis, Mexique) par Soizig Villerbu – Editions Passés Composés – En librairie depuis le 11 octobre 2023 – 416 pages – 24€
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